Merci FA45 pour ce retour d’expérience chiffrée qui aborde ici d’autres problématiques liés à l’embrayage et m’a permis d’avancer sur une modélisation mathématique du circuit d’embrayage. J’ai cherché par cette modélisation à comprendre quelle était l’influence de chaque élément du circuit dans le déplacement de la butée. S’il reste des paramètres inconnus (tel que la pression dans le circuit), ils sont tous accessibles et pouront être ajustés au fil de nos connaissances.
Si vous êtes intéressé par cette modélisation (fichier excel), voici le lien du fichier à
télécharger avant mardi 6 octobre. Si vous ratez cette date et souhaitez avoir
ce fichier, envoyez moi un message privé avec votre adresse mail, je vous le
renverrai.
https://we.tl/t-bZEzi1WKWC (copier ce lien pour télécharger ce fichier)
Avant tout, veuillez m’excuser pour ce trop long message mais votre post est important et appelle de ma part quelques questions et remarques, curiosité d’ingénieur en retraite
!
Tout d’abord,comme je l’ai déjà mentionné, le moteur et son couplage électrique est un
« composant » sur lequel SVP Yacht n’a pas la main. SVP l’achète et l’intègre dans le bateau. Le sous-traitant avait fait le choix d’utiliser le moteur du T4 et toute la chaîne entrant dans le circuit d’embrayage (Maître cylindre, butée d’embrayage, embrayage (bi masse…). D’autres solutions existent pour supprimer ce type d’embrayage mais il a préféré utiliser l’existant (fiable au demeurant sur les camionnettes) que de faire un développement. Ceci dit, je partage votre approche qu’un embrayage auto n’est pas forcément fait pour garder la pédale au plancher des heures durant… !
Les seules différences avec le T4 sont : La pipe coupée sur la butée, les flexibles
(surtout le long flexible reliant le bloc moteur au maître cylindre, l’actuator qui remplace le pied du conducteur,et l’environnement (les camionnettes sont moins souvent au milieu de l’eau de mer que nos bateaux
!). Tous les autres composants sont ceux du T4.
Votre analyse est intéressante car elle aborde d’autres types de problème que le problème de fuite au niveau de la butée (la défaillance du diaphragme ou la perte
d’efficacité des ressorts de filtrage) et propose des solutions dans le cas où
le débrayage est « limite » à cause par exemple d’une purge
incomplète ou de tout autre raison qui limiterait le déplacement de la butée qui
comme vous le notez est faible et n’offre que très peu de marge de sécurité.
Je ne suis pas spécialiste en mécanique automobile, donc permettrez moi juste ces quelques questions et remarques de béotien et merci de me reprendre si certains propos
sont erronés.
1/ Vous mentionnez
l’absence de clapet de pression résiduelle qui existerait sur le T4. A ma connaissance (ancienne et limitée !) le clapet de pression résiduelle (quand il y en a un) est intégré dans le corps du maître cylindre. Or le maître cylindre utilisé est le même que sur le T4, donc on ne parle peut être pas de la même pièce. Pour vous, où est placée cette pièce dans la chaîne d’embrayage du T4, qui manquerait et qui aurait le rôle de clapet de pression résiduelle?
Pour info, EY a été confronté à la panne suivante. Après avoir changé une butée et avoir fait une purge correcte, même après de nombreuses tentatives d’activation de
l’embrayage (les premières activations sont nécessaires pour « coller » la butée sur le diaphragme), rien ne se passait. Le pb a été résolu par le changement du maître cylindre. Je pense que le maître cylindre comprimait la butée lors de son activation mais
« l’aspirait » lors de son retour au point de repos. Une des causes pouvant être un clapet de pression résiduelle défectueux dans le maître cylindre. Ce qui me fait penser
qu’il peut y avoir un clapet de pression résiduelle dans le maître cylindre,
mais ça peut aussi être dû à la coupelle collée contre le piston ne
permettant plus le remplissage de la chambre de pression lors du retour du
piston…donc pas de certitude sur un clapet intégré.
Question sur le
rôle du clapet de pression résiduelle. D’une manière générale ce dispositif assure une pression minimale dans le circuit ayant principalement pour effet de garder le piston esclave contre le diaphragme. Je me demande également si elle ne contribue pas à l’étanchéité des joints du piston esclave, ceux-ci étant alors plaqués par la pression résiduelle sur la paroi du piston. Serait-il alors possible qu’en l’absence de cette pression résiduelle, les joints puissent avec le temps, perdre de leur efficacité et donc fuir lorsque le système est au repos (pression atmosphérique). Avez-vous une expertise sur ce sujet ? Est-ce possible ou juste élucubration de ma part?
Ceci pourrait constituer une autre cause de fuite lente. Par contre le problème de fuite
rapide sous pression est avéré. Pour preuve la perte de puissance rencontrée en
mode électrique liée au recollement de l’embrayage que j’ai vécue et qui a été
solutionné par le simple changement du cylindre récepteur (voir mon premier
post sur ce sujet).
Si on poursuit encore plus loin ce raisonnement, pensez vous que les joints de la butée
n’étant plus maintenue sous pression contre le corps du piston puissent se
déformer et être alors la cause de la fuite rapide évoquée ci-dessus après une mise en pression?
2/ Vous mentionnez
un faible débattement de la buté lors du débrayage. C’est exact… mais ça fonctionne sur le T4 et généralement sur le GL…toutefois il y a des raisons pour que ça fonctionne moins bien sur nos GL.
Tout d’abord, le long tuyau flexible. Il est flexible, donc si on augmente la pression à
l’intérieur, il gonfle comme une baudruche (bon, j’exagère, mais c’est loin d’être négligeable
). Il existe des flexibles dit à faible expansion. Mais même ceux-ci peuvent avoir un diamètre intérieur qui augment de 10% à la pression de service…et vu la longueur du flexible la déperdition de volume est important et c’est autant de moins pour déplacer la butée.
Ensuite, il peut y avoir une « garde » plus ou moins grande avant de commencer le
débrayage. Le fait que l’actuator « tire » le piston peut faire augmenter cette garde surtout si on a un souci de clapet résiduel ou de coupelle collée dans le maître cylindre !
Donc je suis d’accord avec vous, le faible débattement de la butée est potentiellement un problème car il ne donne pas (ou peu) de marge de sécurité.
3/ Vous mentionnez
qu’il faut 7mm pour avoir un débrayage correct et 17,5 mm pour écraser le diaphragme sur le disque.
D’où tenez vous ces chiffres ?
J’ai eu l’occasion de voir le banc de test réalisé par EY lorsque nous travaillions sur
le problème et j’ai eu l’impression qu’un débattement de 4 à 5 mm suffisait pour débrayer mais je peux me tromper car à cette époque nous ne cherchions pas vraiment à quantifier ce paramètre.
4/ Concernant les
défauts constatés sur votre panne.Vous mentionnez que le diaphragme avait marqué le disque d’embrayage. J’en déduis que la butée d’embrayage avait correctement fonctionné et avait poussé jusqu’à ne plus pouvoir et là l’excès de pression imposé par l’actuator avait fait exploser les joints. (C’est la différence entre l’actuator et le pied sur la pédale de débrayage. Si on sent que c’est dur, on arrête d’appuyer, l’actuator lui continue…bref l’actuator est plus bête qu’un pied…
!)
Est- ce que cette analyse vous parait plausible ?
On n’est donc pas sur le pb habituel de « fuite » au niveau de l’esclave mais sur un
autre
pb au niveau du diaphragme. Est-il concevable d’imaginer que les ressorts perde de leur élasticité ou se tordent avec le temps, qu’il faille les comprimer davantage pour obtenir le même effet? L’environnement salin dans lequel ils « baignent » peut il avoir un effet corrosif plus intensif que sur les T4 infiniment plus terrestres ? Même remarque pour les ressorts de filtrage « usés ». Serait il bon alors d’envisager le
changement complet de l’embrayage (ce que vous avez fait) lors d’une intervention sur celui-ci disons tous les 10 ou 15 ans ? Je sais qu’ EY envisageait cette option, mais je n’avais jusque votre retour d’expérience aucun élément qui m’encourageait à le faire.
5/ Concernant vosmodifications.
5.1/ Changement du maître cylindre. Le cylindre d’origine (PN 701 721 401B) a effectivement un diamètre de 15,87mm. Je n’ai pas retrouvé sa capacité mais
je vous fais confiance sur les 6,525cm3 ce qui conduit à un allongement de
3,298cm. Ce qui est exactement l’allongement d’un piston de 19mm de diamètre et
de 9,351cm3 (est ce le piston ayant le même PN sans le B que vous avez utilisé ?).
Note : je n’ai trouvé aucune info pour les 2 PN cités sur l’existence ou non d’un clapet de pression résiduelle intégré.
Cette augmentation du diamètre du maître cylindre de 1,525cm à 1,9cm a trois conséquences
a/ l’augmentation du volume chassé et donc un déplacement plus important de la butée d’embrayage comme vous l’avez mentionné et qui était le but recherché.
b/ l’augmentation de la force que doit exercée l’actuator pour comprimer le piston de près de 50% pour une pression donnée. Toutefois comme le volume expulsé est plus important, les ressorts du diaphragme sont d’avantages comprimés et la force que doit exercer l’actuator en fin de course est en fait augmentée de plus de 70%. (résultat
tiré de la modélisation). Bien que je ne dispose d’aucune information à ce
sujet, il y a là un risque potentiel d’utiliser l’actuator en dehors de sa plage nominale de fonctionnement. Il serait intéressant de mesurer le courant utile pour comprimer l’actuator avec les deux types de maître cylindre, ça pourrait donner une idée du risque encouru.
c/ l’augmentation de la pression dans le circuit. Sans vouloir jouer les Cassandre, l’augmentation de la pression peut favoriser une fuite plus rapide
en cas de micro rayure du cylindre esclave… . La simulation montre que cette
augmentation n’est pas négligeable mais reste toutefois relativement limitée (de l’ordre de 10% avec les chiffres utilisés en ne changeant que le maître cylindre).
5.2/ Changement de la position de l’actuator et
remplacement du flexible par des tubes rigides (autant que possible). Cette autre modification contribue aussi à un meilleur rendement du volume expulsé par le maître cylindre. La modélisation montre qu’avec un flexible présentant 10% d’expansion à une pression de service de 20bars, la réduction de la partie flexible de 250cm à 50 cm permettrait de gagner 1,3mm de déplacement de la butée d’embrayage.
(à noter que sur les moteurs Volvo, l’actuator est sur le bloc moteur pour limiter la taille du flexible).
5.3/ Position du réservoir de lookeed dans le coffre au dessus de l’actuator.
La hauteur entre le maître cylindre et le bocal doit être de l’ordre de 50cm. La densité du
lookeed est de 1,06, soit très proche de celle de l’eau. Comme il faut environ une colonne de 10 m d'eau pour générer une pression de 1bar, le bocal situé 50cm au dessus génèrera une pression de l’ordre de 1/20 de bar… je ne pense pas que ça puisse compenser un éventuel manque de clapet de pression résiduelle par contre cela présente
l’avantage certain d’un accès plus facile !
En Conclusion
Si on fait abstraction des idées émises sur le rôle bénéfique de la pression résiduelle
sur l’étanchéité des joints, les modifications proposées n’adressent pas le
problème de fuite (mais ce n’était pas l’objet) et risquent même de rendre ces
problèmes plus importants en raison de l’augmentation de pression imposée dans
le circuit.
Par contre et sous réserve de la confirmation des chiffres de 7mm et 17,5 mm, de l’usage de l’actuator dans sa plage de fonctionnement et de la vérification que la pression dans le circuit n’augmente pas de façon notable, vos modifications apportent une marge de sécurité de fonctionnement plus importante permettant de compenser d’éventuels défauts se matérialisant par une garde plus grande au niveau de l’actuator ou une usure du diaphragme nécessitant un déplacement plus important. Elles sont en cela très intéressantes.
Merci encore pour votre retour d’expérience. Vos commentaires à mes remarques seront les bien venus.
Bien cordialement
Jacques